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Homélie Dimanche du Lépreux

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Mc 1, 35-45

Chers frères et sœurs, les textes de ce Dimanche nous dressent un des axes les plus importants qui devraient orienter notre carême : l’obéissance à la volonté de Dieu.

Dans la lecture de la lettre aux Romains, St Paul avertit ses disciples : Il ne faut donc pas que le péché règne dans votre corps mortel… le salaire du péché, c’est la mort, dit-il. Dans cette perspective, la pire des maladies c’est de laisser le péché régner sur nous. Le remède présenté par Paul c’est d’obéir de tout cœur au modèle présenté par l’enseignement transmis, autrement dit, à la volonté de Dieu.

Dans l’évangile d’aujourd’hui il est question du Lépreux. Nous avons des traces de la lèpre dans des manuscrits laissés par différentes civilisations. La lèpre faisait peur et était considérée comme une malédiction des dieux, une punition de Dieu dans l’Ancien testament. Ce n’est qu’au 20ème siècle que cette maladie a pu être diagnostiquée et traitée de manière appropriée.

Le lépreux de notre évangile était donc désespéré. Les traitements de son temps ne pouvaient pas le guérir. Isolé de la société et rejeté, il ne pouvait s’approcher et toucher que ses semblables, de qui il recevait ou non, un peu d’affection. Il vint vers Jésus, se mit à genoux et lui dit : Si tu le veux, tu peux me purifier. Il savait que seul jésus pouvait sauver/guérir son corps. Tout ce qu’il fallait c’est que Jésus le veuille. En ce, le lépreux nous livre un exemple. Quelque soit la gravité de notre situation, ayons confiance en Dieu, approchons-nous de lui avec humilité. Nous pouvons être sûrs que notre espérance est toujours bien placée. Dieu écoute nos supplications. Il répond à sa manière à celui qui s’approche de Lui. Et sa réponse dépasse toujours nos attentes humaines.

Le lépreux est donc guéri grâce à cet acte de foi en la miséricorde du Seigneur. Cependant, c’est ce qui se passe après qui est intriguant. Jésus l’avertit rigoureusement : Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. Notre Seigneur interdit au Lépreux de ne rien dire, mais plutôt d’accomplir ce qui était prescrit par la Loi. Il lui révèle sa volonté. Jésus ne voulait pas que sa mission, que son annonce du royaume soit éclipsée par les bienfaits d’une guérison physique. Nous pouvons et nous devons prier pour nos besoins. Dieu nous le demande. Mais Jésus nous rappelle ce que devrait être, même au cœur de nos souffrances, notre vrai objectif, notre vrai bien : Rendre témoignage selon sa volonté prescrite dans la Loi (pour le juif). Dans nos prières quotidiennes, demandons plutôt : Quelle est ta volonté pour moi aujourd’hui ? Eclaire ma conscience Seigneur pour que j’agisse vraiment selon ta volonté révélée en Eglise. Je me confie à toi en tout, à tes enseignements.

Le comportement du Lépreux nous révèle donc l’importance de l’obéissance à la volonté de Dieu. En contrant la volonté de Jésus, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.

Les gens ont continué de venir vers lui malgré l’obstruction causée par la désobéissance du Lépreux. Dieu nous donne de participer activement à son projet de salut. Il peut réaliser ce projet sans nous. Mais malheureusement nous pouvons retarder son projet, même si éventuellement Dieu finit par arranger les choses.

Chers amis, face à nos difficultés et à nos souffrances physiques psychologiques ou spirituelles, nous faisons quelquefois la même démarche que le lépreux. Nous nous approchons de Jésus le sollicitant de nous venir en aide. Mettons-nous à l’école de l’humilité. Convertissons-nous. Adoptons le regard de Dieu. En ce carême, essayons plutôt de cultiver notre désir de Dieu Lui-même, de sa volonté. Cherchons à lui offrir des petits actes qui témoignent de notre amour.

A Lui la gloire à jamais.

Dimanche des Défunts

Lazare et l’homme riche

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Luc 16 : 19-31

Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous prions pour et avec nos défunts qui nous ont précédé dans la demeure céleste, tous les êtres qui nous sont chers, qui ont marqué notre vie et qui nous manquent énormément. Tôt ou tard, nous aussi nous traverserons jusqu’à l’autre rive.

Mais, entre-temps, gardons allumée notre foi, cette belle foi qui alimente notre espérance afin de continuer le chemin et de mener le bon combat, jusqu’au jour où nous nous retrouverons avec les autres et avec le Bon Dieu. Un des combats humains contemporains les plus virulents, qui est le combat contre l’injustice, l’oppression, la discrimination. C’est une des causes les plus louables.

Une des interprétations de cette parabole peut se comprendre comme un appel à l’engagement social, à combattre les injustices, surtout comme un appel au renoncement à la cupidité, un appel à traiter les pauvres avec justice et miséricorde. Pourtant, rien dans l’évangile ne suggère que Lazare était victime d’oppression ou de discrimination. Il est sous-entendu qu’il y a un mal beaucoup plus important que d’autres maux. Bien que le texte ne dise pas explicitement que l’homme riche était injuste vis-à-vis de Lazare, bien qu’il ne l’ait pas opprimé, nous pouvons cependant supposer que son indifférence/la non-existence des liens avec l’autre est en soi une forme d’injustice, voire la pire des injustices. Bien plus, elle semblerait en être la racine.

Lazare est simplement identifié comme pauvre : Le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture. Dans cette perspective, la justice divine a compensé en quelque sorte le manque de justice terrestre.

Saint Jérôme commente ce passage en disant que l’homme riche n’était accusé ni de cupidité, ni de vol, ni d’adultère ni en réalité d’aucun acte répréhensible. L’orgueil est le seul mal dont il est coupable. L’orgueil qui coupe nos liens avec les autres, au point de devenir indifférent et de ne plus les remarquer. Nous ne cherchons rien d’autre que nos besoins personnels. Nous nous soucions surtout des nôtres, et pas toujours de ce qui est le mieux pour eux. Cependant, l’autre qui est juste devant mon portail, je ne le remarque pas. Demandons-nous chacun aujourd’hui : qui se trouve devant mon portail ? ce n’est peut-être pas un inconnu qui attend juste un contact. Quels sont ses besoins ?

Les besoins de l’autre n’ont pas forcément à être d’ordre matériel. Nous pouvons-nous dire : pourquoi me soucier des autres, surtout de ces inconnus qui se fichent carrément de moi. En quoi me concernent-ils ? En fin de compte, je ne fais de mal à personne. Je ne dérange personne et tout ce que je désire c’est de ne pas être dérangé par qui que ce soit. Nous voyons le monde à travers l’optique « qu’est-ce que cela a avoir avec moi ?». Individualisme pur et simple, ou peut-être simple ignorance : Pardonne-leur car ils ne savent pas

Mais le Seigneur, à travers cette parabole, tente d’attirer notre attention sur le fait que nous sommes les gardiens de notre frère (Caïn où est ton frère ?). Oui, nous devrions être aussi préoccupés par les besoins de ceux qui nous entourent que par les nôtres. Nous devons chercher ce qui est bon pour eux, ce qui les nourrit vraiment, ce qui les aide à grandir. La parabole met clairement en garde : la miséricorde de Dieu envers nous est liée à notre miséricorde envers notre prochain.

Autre point que j’aimerai souligner : dans son audience générale du 16 mai 2016, le pape François commente éloquemment ce texte en disant : Lazare, qui gît devant la porte, est un rappel vivant fait au riche pour qu’il se souvienne de Dieu, mais le riche n’accueille pas ce rappel.

Chers frères et sœurs, cet autre qui gît devant ma porte, c’est mon frère, ma sœur. L’autre à ma porte est la porte de mon salut. Il/Elle est le Christ-pauvre qui se dresse mendiant devant moi, en quête ne serait-ce que de mon attention. Sa pauvreté est ma vraie richesse, et nous pouvons nous enrichir mutuellement.

Cette semaine, nous pourrions peut-être faire un effort pour remarquer ceux qui nous entourent, un peu plus que d’habitude, en particulier les personnes les plus proches avec lesquelles nous vivons et travaillons tous les jours. Elles sont souvent les plus faciles à oublier quand elles souffrent, car elles nous sont si familières. Communiquez avec les personnes que vous aimez. Quelquefois nous pensons que cela va de soi, que nous le faisons si bien, que l’autre me comprend. Des choses comme les suicides et le divorce peuvent parfois être empêchées en discutant davantage et en participant à la vie de chacun. Les adolescents et les jeunes sont également particulièrement exposés à la souffrance et les adultes de leur vie peuvent même ne pas s’en rendre compte. Essayons de mieux les regarder.

Contemplez leurs visages. Rappelez-vous surtout qu’à travers le visage de l’autre, resplendit la gloire de Dieu !

Homélie Fête de St Maroun

Père Joseph G. EID

Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous célébrons la St Maroun, fête du patron de l’église maronite.

Maroun, dont le prénom peut signifier le petit Seigneur, est un moine chrétien syriaque, anachorète, ayant vécu à la fin de l’IVe et au début du Ve siècle et qui s’est retiré du monde. Selon Théodoret de Cyr, Maroun menait, en plein air, à l’écart, au sommet d’une montagne, près d’un ancien temple païen qu’il avait converti en église, une vie de prières et d’ascèse. Il s’exposait volontairement à l’ardeur du soleil et à toutes les intempéries en s’abritant dans une tente en peau. L’austérité de sa vie et les miracles qu’il accomplissait le rendirent célèbre dans toute la Syrie, et beaucoup venaient à lui pour solliciter sa prière. Après sa mort, un monastère s’élèvera sur son tombeau et « Mar Maroun » deviendra un grand lieu de pèlerinage. Ce monastère sera la capitale religieuse de ceux qui furent appelés « ceux de Maroun » ou Beit Maroun (la maison de Maroun) ou maronites.

« Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle ».

Chers frères et sœurs, la vocation de Maroun répond à une prise de conscience. Très vite, le cœur de Maroun fut percé par l’amour de Dieu. Il réalise que tout ce que Dieu crée est bon, mais que l’attachement aux choses créées, au point d’en faire des idoles, peut mener l’être humain à sa perte. Dans un contexte social similaire au nôtre (peut-être sans les avancées technologiques), Maroun, comme d’autres poussés par un élan de charité, préfère suivre la voie du détachement radical pour gagner la vie éternelle. Il est conscient qu’il est ce grain de blé semé appelé à mourir pour porter des fruits. Maroun préfère se retirer à l’écart, loin du luxe apparent de son époque. Son mode de vie est vite reconnu comme un remède au vide engendré par la quête des plaisirs éphémères, dans un monde qui ne reconnait plus que notre vie ici-bas n’est que passage. Maroun, comme beaucoup, est en quête d’une plénitude qu’aucune société ne peut offrir. Sa vie de détachement, sa vie à l’écart, n’est pas une fuite, mais bien au contraire un courageux face à face qui ressemble au retrait de Jésus dans le désert.

Dans ce désert, Maroun se met à l’écoute du Seigneur qu’il aime. Il défie le tentateur en se remettant entre les mains de Dieu. Il suit l’enseignement des apôtres, comme Timothée, dansla foi, la patience, la charité et la persévérance. Il devint un modèle de sainteté pour d’autres. Chers frères et sœurs, en tant que paroisse maronite regroupant des fidèles de différentes confessions, essayons tous de vivre les valeurs que nous a laissé Maroun. Il s’agit des valeurs mêmes de l’évangile.

Comme Maroun, ayons cette prise de conscience que Dieu seul suffit. Attachons-nous à la vérité et défendons là comme l’a fait Maroun, en toute humilité et douceur, mais sans compromis. Peut-être pourrions-nous également être un point d’interrogation en rappelant aux disciples du Christ, partout dans le monde et tout particulièrement en orient, ce qui est le plus important : ne pas chercher la gloire du monde, mais celle de Dieu !

Homélie du troisième Dimanche après l’Epiphanie

P. Joseph G. EID

Textes du Jour

Ep 3, 23-29 et Jn 3, 1-16

Aujourd’hui, essayons de nous placer au cœur de cette scène de l’évangile. Imaginons-nous témoins de cette rencontre entre Jésus et Nicodème. Il fait nuit. Et Nicodème vient discrètement rendre visite à Jésus. Rappelons-nous qui était ce Nicodème ; et qui était Jésus dans ce contexte. Il vrai qu’en dépit de son passé humble et inaperçu, Jésus était rapidement devenu un prophète et un enseignant exceptionnel en Israël (un vrai succès dirait-on).
 
Je me demande quelle serait néanmoins notre réaction si quelque chose de similaire se passait avec nous, personnellement ?
Nous pourrions, par exemple, imaginer un homme dans sa trentaine, n’ayant ni master, ni doctorat en religion, apparaissant soudainement en public, se forgeant rapidement une réputation de guérisseur, de prophète. Les gens vont jusqu’à le proclamer roi d’Israël et messie, totalement dominant par son autorité personnelle, son expérience évidente. Reconnaissons humblement combien il serait difficile que cette personne soit validée par les théologiens ou par le pape. Presque une impossibilité.
Pensez à la plupart des autorités qui voient un tel phénomène émerger, aux avis divergents, tellement partagés à son sujet. Surtout quand ce nouveau phénomène en question n’a pas les qualifications requises. Puis imaginez la peur des érudits, des hommes et des femmes qui ont un certain statut social, qui accepteraient sa légitimité spirituelle, qui s’approcheraient de ce nouveau maître, humblement, pour accueillir/recevoir son enseignement/sa lumière. Scénario fort improbable.
 
Oui, je le sais. Mais tel était Nicodème. Il vint vers Jésus la nuit, pour converser. Nicodème, grand maître d’Israël, cherche à écouter Jésus, à comprendre. Il le reconnaît comme rabbin, comme quelqu’un qui vient de la part de Dieu, un maître qui enseigne. Il reconnaît que personne ne pourrait accomplir les signes que Jésus accomplissait, si Dieu n’était pas avec lui.
 
En fin de compte, ce que Nicodème désire vraiment, au fond de lui, c’est de voir le royaume : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu ». Jésus perce son âme. Il y décèle son vrai désir, la raison pour laquelle il vient le rencontrer. Nicodème est un rêveur qui rêve du royaume et qui veut le voir. C’est un homme assoiffé de justice et assoiffé de Dieu. Comme la samaritaine au bord du puits, il cherche à se désaltérer. Il vient à la source. Il avait devant lui le fils de dieu fait homme. Le messie promis. Bien plus, dans ce cadre ordinaire et simple, le créateur de l’univers était assis, ou debout, devant lui. Comme à la Genèse de l’univers, Jésus-Créateur essaie de lui expliquer qu’à lui seul le désir n’est pas suffisant. Il faut accueillir le témoignage. Il faut se laisser créer par Dieu dans l’eau et l’esprit, allusion au baptême qui fait de nous de nouvelles créations, filles et fils du royaume. Jésus parle au pluriel, comme s’il se référait non seulement à lui-même, mais également à ses compagnons de mission : Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage.
 
Chers frères et sœurs, en tant que chef du corps de ses disciples qui est l’église, Jésus demeure dans son église. L’enseignement de Jésus devient celui de ses disciples qui enseignent en son nom. Et, à travers le ministère dans l’enseignement, Jésus Lui-même se trouve avec son église. L’église, c’est la communauté des filles et fils du Royaume, de ceux qui voient vraiment Dieu agir dans le monde, de ceux qui goûtent déjà au Royaume.
 
Aujourd’hui, avec vous, je prie pour que se reflète sur nos visages la lumière de celles et ceux qui sont nés de l’eau et de l’esprit, des baptisés qui ont vraiment vu le royaume et qui agissent en fonction de leur vocation de disciples pour la plus grande gloire de Dieu.

Homélie en l’église St Bonaventure (Lyon)

Dans le cadre de la semaine de la prière pour l’unité des chrétiens

P. Joseph G. EID 

Lectures de ce jour selon le rite latin

Cor.12 : 4-11 ; Jn 2 : 1-11 

Révérends pères, chers frères et sœurs, je répète l’expression de ma joie et de ma gratitude d’être parmi vous, accompagné des fidèles de la paroisse maronite de Lyon dans le cadre de la prière pour l’unité des chrétiens. Ainsi, nous pourrons témoigner, comme le dit St Paul dans sa première lettre aux corinthiens, que les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit, le même Dieu qui agit en tous. Et nous avons l’assurance des paroles du Christ-même, adressées à ses disciples en Mathieu 18 :

« Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis-là, au milieu d’eux ».

Cependant, le chemin vers l’unité tant souhaitable par le Christ (Que tous soient un, comme Toi, Père, Tu es en moi et moi en Toi : Jn. 17, 21) est surtout et avant tout un chemin de sanctification dans la vérité (sanctifie-les dans la vérité). Oui, le chemin vers l’unité désirée par tous les chrétiens est un chemin de sanctification dans la vérité qui requiert une conversion continue et humble de notre part, pour que nous puissions être sûrs que nous sommes vraiment réunis ‘en son nom’.

Chers amis, je profite de ma présence parmi vous pour ouvrir une petite parenthèse à propos de l’église maronite. Cette église catholique orientale est une église antiochienne de rite syrio-araméen en pleine communion avec Rome. Elle a été fondée autour des disciples de St Maroun, moine du 4ème – 5ème siècle. Les fidèles de cette communauté, traditionnellement monastique, se regroupaient autour de leur patriarche et de leurs évêques. Cela dit, j’aimerai souligner que l’histoire de ce peuple est semée de persécutions continues. Ce qui a poussé cette communauté à se réfugier d’abord au Mont-Liban, et à peupler cette région en s’ouvrant aux communautés voisines. Le siège patriarcal de la communauté maronite se trouve au Liban, considéré comme la patrie spirituelle de tous les maronites. L’enseignement des membres de cette communauté paysanne se résumait à l’enseignement catéchétique transmis par les moines et les prêtres. Ce n’est qu’avec l’influence latine, malgré les effets négatifs d’une latinisation un peu poussée, que le clergé maronite, grâce à l’école maronite de Rome, contribua à l’essor de l’enseignement au Liban. Les relations positives du patriarcat maronite avec les autres religions et confessions du pays et avec les autres grandes forces internationales, surtout la France, contribua à l’indépendance du pays.

Un petit mot sur ce passage de l’évangile de Jean que nous venons d’entendre. Remarquable texte qui traduit éloquemment la triste réalité de notre condition humaine ici sur terre. Dans la liturgie maronite, ce texte a un emplacement de choix. C’est le texte du dimanche qui vient juste avant le Lundi des Cendres (oui Lundi). L’église maronite, par ce choix, rappelle à ses fidèles que le temps de carême est à aborder dans l’esprit des noces, avec beaucoup de joie. C’est un temps où nous nous rappelons notre propre alliance. Bref, il est encore tôt pour parler du carême. Reste à dire que ce texte nous rappelle que notre passage éphémère sur terre sera marqué tôt ou tard par un manque, par la précarité, même aux moments les plus culminants de notre bonheur. Le bonheur nous manquera. Notre vie est marquée par ce manque et ce manque peut se refléter différemment selon les situations.

Dans la Bible, celui qui alerte sur le manque de vin, autrement dit sur le manque de vérité, sur le manque de justice, sur le manque d’amour, sur le manque de confiance, sur le manque de fidélité à Dieu, c’est qui ? C’est le prophète ! Et on sait bien qu’en remplissant sa mission, le prophète risque toujours de n’être pas compris, et parfois menacé dans sa vie. Marie joue aujourd’hui ce rôle prophétique au risque de se laisser réprimander par Jésus. Face à ce manque, quelle action mener ? Qui sommes-nous, au fond, pour espérer transformer l’eau en vin ? Qui sommes- nous pour espérer rencontrer Jésus et lui demander de nous aider, de combler nos manques, même si apparemment les autres ne sont pas conscients de leurs manques, et que dehors, la fête continue !

Chers frères et sœurs, gardons en nous cette espérance qui se traduit en confiance en Notre Seigneur. Comme Marie, ayons confiance que Jésus continue de transformer doucement nos vies en quelque chose de plus précieux encore que cette vie, un cheminement dans l’éternité ! Là où nous sommes pauvres, là où nous sommes nus, là où se trouvent nos manques et nos blessures, Jésus vient nous toucher. Il nous transforme secrètement. Il nous ouvre à la vie autre, parce qu’éclairée de la présence de Dieu.

Homélie du Nouvel An

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Lc 2 : 21

Chers frères et sœurs, il est de coutume de formuler les vœux au début de chaque nouvelle année. Je suis énormément reconnaissant vis-à-vis de ceux qui m’ont exprimé, chacun à sa manière, les beaux vœux chargés d’émotions sincères et des meilleurs des souhaits et des intentions pour 2019. Permettez-moi à mon tour de m’exprimer :

Chers amis, je vous souhaite une année 2019 riche en expériences humaines à tous les niveaux. Je vous souhaite non pas tout le bonheur du monde, mais déjà d’être contents et satisfaits, heureux de qui vous êtes, de votre personne, fille ou fils bien-aimé(e) de Notre Seigneur. Je vous souhaite une année 2019, non pas libérée de tous les soucis et de toute tristesse, mais une année au cours de laquelle augmentera en vous cette admirable capacité à vous soucier des autres et qui se manifestera davantage pour que d’autres puissent l’acquérir. Et que votre tristesse face à l’injustice et au désordre social, ou d’autres problèmes sociaux, humains et autres, soit également un rayon d’espérance pour les autres, qu’il y ait toujours espoir en l’humanité, et qu’il y ait toujours une bonne nouvelle à annoncer.

Pour ne pas trop tarder, je ferai une petite réflexion sur les textes d’aujourd’hui, surtout sur ce court évangile de ce jour, centré sur la circoncision de Jésus. Selon la loi de Moïse, loi donnée par le Seigneur lui-même à Abraham, chaque mâle du peuple élu de Dieu, devait être circoncis. La circoncision a lieu le huitième jour après la naissance. Un signe qui concrétisait son appartenance à ce peuple et qui le marquait pour la vie, le distinguant des autres hommes. Cette circoncision corporelle préfigurait la nouvelle circoncision du Nouveau Testament, non plus corporelle, mais spirituelle, celle du cœur. Quelle forme prend cette circoncision spirituelle ? Le disciple du Christ ne peut le suivre sans porter sa croix, sans une forme de don de soi. Concrètement, nous devons fuir le péché qui nuit à notre personne, mais nous devons également œuvrer pour le salut des autres, en donnant une partie de nous-mêmes. Le chrétien se distingue par cette circoncision spirituelle. C’est par elle qu’il réalise et accomplit, par la grâce sanctifiante, les promesses de son baptême.

Chers frères et sœurs, c’est en agissant selon la grâce que nous pouvons œuvrer pour le royaume, pour que se réalise sur terre, en partie, ce que nous allons vivre pleinement au Royaume. Ce n’est pas pour rien que, à l’initiative de l’église catholique, cette journée est également la journée mondiale pour la paix. Que cette nouvelle année 2019 soit, pour chacun, une année de paix et de joie profonde, extérieure et intérieure.

Que ce nouvel an, qui commence par la journée de la paix, nous rappelle qu’il n’y a pas de paix possible sans effort, sans don, sans délaisser une part de notre égoïsme, et sans ouvrir notre cœur à la grâce, pour que cette paix et ce bonheur, qui ne peuvent être réalisés et concrétisés que si nous agissons la main dans la main avec Notre Dieu, nous accompagnent tout au long de l’année et de notre vie. A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles.

Homélie 1er dimanche après l’épiphanie

P. Joseph G. EID

Lectures du 2nd dimanche après l’Épiphanie

Cor. 4, 5-15 et Jn 1, 35-42

Chers frères et sœurs, nous sommes au premier dimanche après l’épiphanie. Pour ceux d’entre vous qui suivent au quotidien les lectures du jour, vous avez sans doute remarqué que nous avons dévié de ce qui était prévu pour aujourd’hui. En effet, comme mon confrère le révérend père Béchara célébrera la semaine prochaine la St Antoine, j’ai choisi les lectures de dimanche prochain, toujours dans le cadre du temps liturgique de l’épiphanie qui s’étalera jusqu’au dimanche des noces de Cana. Cela dit, les lectures qui nous sont proposées durant tout ce temps liturgique tournent autour de l’identité de Jésus, surtout révélée durant son baptême au Jourdain, en lien avec les deux autres personnes de la Trinité.

Nous apprenons à mieux connaître Jésus-Christ, et ce qui nous est dévoilé, au fur et à mesure, nous dit quelque chose de nous-mêmes également, de notre dignité humaine, et du rapport/relation que nous sommes sensés entretenir avec Dieu et avec les autres. Dans l’évangile du premier dimanche après l’épiphanie, Jean Le Baptiste, en voyant Jésus, témoigne et proclame : Voici l’Agneau de Dieu, et il termine au verset 34 en disant :

Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu”.

Le Baptiste voit et découvre/témoigne de la vocation de Jésus. Dans l’évangile de Jean, il y a toujours ce lien entre voir et dire, entre vue et vocation. Rappelez-vous, par exemple, la passion quand Jésus voit Marie et le disciple, et qu’il dit à Marie : voici ton Fils. Marie découvre sa vocation de mère/maman des fils bien-aimés. De même, Jésus regarde le disciple bien-aimé et il lui dit : Voici ta mère. Chaque disciple bien-aimé découvre en Marie sa maman. Ici, Jean-Baptiste voit Jésus et découvre que sa vocation est de rendre témoignage. A celui qui cherche authentiquement, à celui qui est en quête, Jésus demande, comme il le fait avec les deux disciples de l’évangile d’aujourd’hui :

« Que cherchez-vous » ?

et il nous invite : « Venez, et vous verrez ». En tant que disciples du Christ, nous sommes invités au mouvement, nous sommes appelés à sa suite. Suivre le Christ ne se limite pas à une démarche intellectuelle. Il faut accepter de se laisser mouvoir à tous les niveaux. Il faut Le suivre, il faut chercher à Le voir, à voir où Il demeure. Suivre le Christ c’est entrer en relation avec Lui en toute intimité, entrer en Sa demeure et en même temps découvrir sa vocation de témoin.

Chers frères et sœurs, Jésus pose son regard sur Simon, et il lui transmet sa nouvelle identité, sa nouvelle vocation. Il devient Pierre. En quelque sorte, notre identité de chrétien doit se laisser changer par le regard que pose le Christ sur nous. Nous qui sommes à sa suite, regardons-le méticuleusement. Acceptons le changement, le déplacement. Demeurons avec Lui. Bien-plus, soyons des témoins de la Bonne Nouvelle. A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles.

Homélie de la fête de l’Epiphanie

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Lc 3 : 15-22

L’Épiphanie, frères et sœurs en Christ, est un moment de révélation, un moment dans lequel nous réalisons quelque chose d’important à propos de Dieu et de nous-mêmes. L’épiphanie révèle que Jésus est le Sauveur de son peuple, mais également de tous les êtres humains qui ont vécu ou vivront. Jésus est aussi ton Sauveur et le mien. Et quand nous sommes sauvés, il nous arrive quelque chose : nous abandonnons notre propre agenda et commençons à vivre pour le salut des autres. Nous ne vivons plus pour nous seuls mais pour lui qui est mort et ressuscité pour nous, envoyant le Saint-Esprit de son Père comme premier cadeau à tous ceux qui croient en lui : Le Saint-Esprit à travers lequel nous ne vivons plus pour nous-mêmes mais pour lui, le Saint-Esprit, la plénitude de la grâce dans nos cœurs nous permettant d’achever l’œuvre de Jésus dans notre monde.

Aujourd’hui c’est l’Epiphanie, le baptême du Seigneur. Et aujourd’hui, chacun de nous se voit rappeler sa propre renaissance par l’eau et l’Esprit. Les quatre évangiles, chacun à sa manière, mentionnent que Jésus a été baptisé par Jean. Le baptême de Jean était différent du nôtre. Ce n’était pas un sacrement, même si c’était un pas en avant. C’était un signe extérieur de repentance. En traversant le Jourdain vers la terre promise, le peuple d’Israël exprimait le désir de repentance, de recommencer, d’être le peuple que Dieu voulait qu’il soit. Et Jésus, aujourd’hui, les rejoint. Il n’était pas un pécheur ; mais il s’identifie avec son peuple pécheur. Jésus descend dans l’eau. Il était déjà « descendu du ciel », comme le dit le credo : il ne s’agit pas d’un voyage spatial, mais de son incarnation. Maintenant, il descend encore plus loin : dans le flot boueux et tumultueux de l’histoire de l’humanité pécheresse. Bien plus, en mourant sur la croix il descend dans le royaume des morts. Il s’abaisse encore plus, voire à l’extrême. Et le Saint-Esprit « descend » sur lui aujourd’hui. Le Fils et l’Esprit, les deux mains du Père, descendent ensemble, jusqu’à nous, jusqu’à toucher le plus bas de notre humanité – afin que le Père puisse nous récupérer, nous ramasser, nous ramener dans ses bras.

C’est la révélation déconcertante d’un Dieu-Amour.

Et ce mouvement continue encore. Par notre baptême, Jésus descend à notre niveau. Il vit sa vie avec chacun de nous. Les Pères de l’Église aiment dire qu’aujourd’hui, le Christ a purifié, consacré l’eau et ainsi inauguré le sacrement du baptême. Nous pouvons élargir cet horizon. L’histoire humaine est l’eau. Nous menons des vies ordinaires, avec toutes nos failles et nos blessures. Pourtant, le Christ est à notre porte. Il vient. Il nous envoie l’Esprit. Il veut purifier notre vie et y déverser la foi, l’espérance et l’amour. Il donne, élargit et approfondit notre vie. Il remplit l’ordinaire de tous les jours de sens, de grâce et de prière. Après son baptême, Jésus prie, et le ciel s’ouvrit dit saint Luc. Il en est ainsi en nous. Les cieux sont ouverts. Et le Saint-Esprit descend et le Père dit : Tu es mon Fils/ma Fille, le bien-aimé(e) ; en toi je trouve ma joie. Chaque jour, le Père le dit à chacun de nous.

Chers frères et sœurs, ayons cette consolation. L’eau vitale du Christ coule déjà dans nos vies (pas de pubs). Qui sait ce qui attend chacun de nous cette année ? Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que Dieu est déjà là. Dieu est avec nous. Christ est en nous. Le Saint-Esprit repose sur nous. A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles.

Homélie du 25 Décembre

Le jour de Noel

P. Joseph G. EID

Noël, frères et sœurs, fait revivre en nous des souvenirs d’innocence, des souvenirs d’enfance, quand nous avions toutes les raisons de croire et d’espérer que la vie serait douce et que nous pourrions être gentils, à notre tour, avec tous ceux que nous voulions rencontrer.

Noël produit cet effet en nous, mais pas seulement ! À Noël, nous est offerte la grâce de redevenir des enfants, car Dieu lui-même entra dans notre monde comme un petit enfant. Et tous ceux qui accueillent cet enfant dans leur cœur reçoivent la grâce de devenir eux-mêmes un enfant de Dieu. C’est le miracle de Noël :

Dieu a choisi nos cœurs pour sa propre naissance, partageant notre humanité afin de nous diviniser. Noël nous révèle à nouveau le pouvoir de guérison, de la révérence et du respect devant tout ce qui est humain en nous et chez les autres.

Le miracle de Bethléem se produit aussi dans nos vies lorsque nous prenons sur nous l’esprit et le cœur de ceux qui étaient présents en cette nuit : Marie, Joseph, les bergers et les mages, tous ayant reçu un message personnel d’un ange, et tous chargés de le partager et de le diffuser – pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Marie, déjà émerveillée par la conception et la naissance de son enfant, s’étonne encore plus de ce que les bergers ont à raconter. Ce qu’ils ont vu et entendu. Elle chérit tranquillement le miracle de Bethléem, le prenant dans son cœur et elle le méditera, dans la joie et le chagrin, tous les jours de sa vie, et même pour toute l’éternité.

Chers frères et sœurs, en ce jour béni, je prie pour chacun de nous, pour que, devant ce mystère intarissable de l’incarnation, nous gardions cette ardeur de foi, cet élan de l’annonce, cette joie de Noël, cet acharnement à la justice, cette ouverture du cœur à la vie, et ces retentissements des cris d’actions de grâce dans notre vie. Que Noël soit, tout au long de notre vie, notre itinéraire de vie qui nous mène à incarner l’amour de Dieu au sein d’un monde pauvre dont la vraie richesse ne peut être que ce petit enfant.

Woulida al Masi7 !

Homélie du 24 décembre

Solennité de la nativité de Notre Seigneur

P. Joseph G. EID

Il y a longtemps, un grand général était sur le point d’envoyer son armée de terre faire face à un puissant ennemi, bien plus armé. Il se dirigea vers l’ennemi par voie maritime. Quand ils atteignirent la côte, les soldats descendirent et toutes les cargaisons furent déchargées. A la surprise de tous, le général ordonna de mettre le feu à tous les navires. S’adressant à ses hommes avant la bataille, il déclara : « Voyez-vous ces bateaux partir en fumée ? Cela signifie que nous ne pouvons pas laisser ces rivages en vie sans gagner ! Nous n’avons plus de choix ; nous gagnons où nous périssons. » Ils ont gagné !

La vie est une bataille que vous pouvez gagner ou perdre. Le Christ est venu dans ce monde pour gagner la bataille, au prix de sa propre mort. C’est le vrai sens de Noël, qui rejoint celui de Pâques. Notre bataille devrait être une bataille d’amour, comme celle de Jésus. Même sa nativité a été marquée par une séparation entre deux camps. Quel camp allons-nous choisir au cours de cette bataille ? Ferons-nous partie des habitants indifférents de la ville ou des bergers chaleureux de la campagne. Quels sentiments remplissent nos cœurs en cette belle soirée ? Comment allons-nous nous approcher de Toi ce soir de Noël ?

En ce soir béni, petit enfant, nous nous approchons de toi pour t’adorer. Nous sommes tous là, mendiant, pour nous et pour les autres, la guérison spirituelle, la guérison émotionnelle, la guérison mentale, la guérison physique, mendiant toute forme de guérison qui ne peut se produire que lorsque l’amour coule à flots. Et ce soir, l’amour coule à flots de cette mangeoire.

En ce soir de Noël également, ce ne sont pas uniquement les petits qui vont recevoir des cadeaux. Nous nous approchons de toi comme les rois-mages. Nous voulons, chacun à notre manière, t’offrir des présents pour t’exprimer notre amour. Nos cadeaux de Noël sont des fleurs que nous offrons aux membres de nos familles ou aux amis, des câlins, des moments partagés, peut-être de l’argent, notre expertise, ou une simple présence humaine chaleureuse.

Petit enfant, nous avons tous quelque chose de précieux à te donner. Nous sommes de ton camp. C’est le vrai bonheur de Noël. C’est notre vrai bonheur. C’est la guerre de l’amour que nous nous engageons à gagner. Oui petit Jésus, ce soir nous avons choisi notre camp. Nous sommes tes guerriers. Et nous nous engageons à brûler les navires de sécurité, les navires de haine, les navires de jalousie et d’indifférence. Alors, nous pourrons gagner cette guerre ; nous n’avons pas d’autre choix que de gagner cette guerre ; car il en va de notre humanité.

En ce soir de Noël et d’espérance, nous venons vers Toi ; nous avons confiance en Toi et nous croyons que tout est possible ce soir, car Tu es avec Nous !

Woulida al Masi7 !