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Premier Vendredi du Carême 2019

Pourquoi la Croix ? La Croix est, aujourd’hui le même scandale, la même folie. Ce scandale nous mène à nous interroger sur notre espérance. L’espérance que nous possédons, nous devons pouvoir en parler et en rendre compte, avec des mots jaillis de l’intérieur, comme nous l’indique St Pierre dans sa première lettre. Rendre compte de notre espérance c’est donc la mission que nous lègue Jésus à travers son Eglise. Car la Croix que nous portons sur nous, la Croix que nous traçons sur nous fréquemment dans la journée, cette Croix nous enseigne.

La croix est nécessaire : La Croix est là, imbibée de souffrance et d’anxiété. Inutile de penser que Jésus aurait pu mourir autrement, plus tard ou ne pas mourir du tout et rester avec nous. Non, Jésus le dit à plusieurs reprises à ses disciples : « Il fallait que le Fils de l’homme monte à Jérusalem » … Cet « il fallait que » a un sens. Par sa passion Jésus nous révèle le plan d’amour de Dieu. Cet « il fallait que » n’est pas une fatalité, une prédestination (Maktoub). Et comme saint Pierre, nous avons envie de dire : « Nous ne permettrons pas que cela arrive. » Saint Pierre, lui était prêt à lutter et sortit son glaive.

La Croix comme instrument de salut : Dans ce drame de la mort du Christ, il semble que ce soit le mal qui triomphe. Pourtant non, il n’y a pas de fatalité. Lorsque le mal semble l’emporter, lorsque Jésus rend son âme et que tous les disciples se dispersent comme un troupeau privé de pasteur, Jésus demeure le Vivant. Il traverse les ténèbres et prive le royaume de la mort de sa puissance.  Face à tout découragement, à toute désespérance humaine, il faut opposer cette certitude, ce roc absolu de la Croix du Christ, car c’est une Croix qui ne représente pas la mort, le néant ou l’absurde, mais qui symbolise un amour infini auquel nous sommes invités à communier. En cela réside cette espérance dont nous devons rendre compte.

Sans Croix, pas d’amour : Il y a plus encore. « Quand j’aurai été élevé de terre, dit Jésus, j’attirerai tous les hommes à moi » Les bras étendus du Christ ne manifestent pas tant la souffrance humaine que l’amour de Dieu qui s’offre, qui se donne constamment, qui sort de lui-même et va jusqu’au plus bas, jusqu’au plus profond de notre misère pour nous attirer à Lui, nous élever à Lui et nous unir à Lui. Il y a ainsi rencontre entre la Croix-amour de Dieu et la Croix-réponse et amour de l’homme. C’est pour cela que l’homme a été créé, pour vivre de l’amour éternel, pour atteindre et communier pour toujours, indiciblement, à la vie divine.

Aujourd’hui, nous sommes les instruments, les échos de la Croix du Christ. Si nous sommes ainsi en marche, le regard levé vers la Croix du Christ, Dieu nous révèle à chacun et à tous ensemble notre chemin, qui est un chemin de vie, de témoignage et d’espérance, un chemin d’Église.

Homélie “sois le vainqueur du mal par le bien”

Septième dimanche du temps de la Croix

P. Béchara AOUN

Frères et sœurs, nous sommes au septième dimanche du temps de la croix. En ce dimanche, nous clôturons notre année liturgique. L’Église maronite nous propose aujourd’hui ce passage de l’évangile qui commence par l’arrivée majestueuse du Fils de l’homme entouré par tous ses anges.

Il y est écrit à la fin que certains partent au châtiment éternel alors que d’autres vont à la vie éternelle. Cette lecture nous est proposée après une série d’extraits de l’évangile, au cours des deux semaines précédentes, où est abordée la question du royaume. Souvenez-vous de la parabole des dix vierges il y a deux semaines, et dimanche dernier de la parabole de l’homme qui distribue sa fortune à ses serviteurs avant de partir en voyage. Nous croyons que Dieu nous a créé pour vivre. Sa volonté est de nous donner son royaume en héritage. Il nous veut vivant pour toujours, auprès de lui, dans son royaume. Dans l’évangile de Luc 17,21 il est écrit : le royaume de Dieu est au milieu de vous. Aujourd’hui, Jésus Christ redit, d’une autre manière, que le royaume de Dieu est au milieu de nous.

En effet, le royaume de Dieu c’est être avec le Seigneur, et le Seigneur s’identifie à chaque être humain en souffrance ou dans le besoin. Car tout être humain a besoin d’aimer et d’être aimé. Très tôt, les premiers chrétiens ont compris cela. Ils se sont organisés pour combattre la misère de leur temps. Ils étaient attentifs aux plus faibles. Ils visitaient les malades. Et même, certains apôtres guérissaient les malades par l’imposition des mains. Quand Saint Paul, dans son épître aux Romains 12, invite les fidèles à vaincre le mal par le bien, il leur dit comment faire : bénissez, priez, aimez, partagez, accueillez, ayez de la compassion, et faites tout cela avec beaucoup d’humilité. Alors, à quand date la dernière fois où j’ai vaincu le mal par le bien ? Ne cherchons pas très loin.

Nous sommes en train de le faire à l’instant. Je m’explique : dernièrement, je suis tombé sur une petite vidéo où un enseignant explique à ses élèves que si Dieu a tout créé cela veut dire qu’Il a créé le mal également. Alors un enfant conteste et lui demande si le froid existe, ce à quoi l’enseignant répond : évidemment. Là, l’enfant lui dit que, physiquement parlant, le froid n’existe pas et qu’il s’agit uniquement de l’absence de chaleur. Puis l’enfant, pour vérifier si l’enseignant a compris, lui demande si la nuit existe. Là encore l’enseignant lui répond que oui. Alors, l’enfant explique qu’il s’agit uniquement de l’absence de lumière. Pour arriver à la conclusion que le mal n’est que l’absence du bien.

Dans la vidéo, cette pensée a été attribuée à Albert Einstein. Il faut dire que Saint Maxime le confesseur, puis Saint Thomas d’Aquin avaient déjà, bien avant Einstein, travaillé sur la question du mal et étaient arrivés à cette conclusion : le mal comme étant l’absence du bien.

Alors, pour combattre le mal, ne lui laissons pas de place dans nos cœurs. Faisons le bien, et continuons à nourrir notre vie de l’amour de Dieu. Amen

Homélie Nos talents divins

6ème dimanche après l’Exaltation de la Croix

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Mt 25, 14-30

Chers frères et sœurs, une des interprétations les plus classiques de cette parabole, c’est que les talents représentent effectivement nos talents, nos dons, et qu’il faut vraiment investir ces dons pour faire du bien dans le monde. En les faisant fructifier, nous en gagnerons énormément de bénéfices, dans ce monde et dans l’autre. C’est une interprétation tout à fait plausible, mais qui ne prend pas en compte le sens premier du mot talent, terme utilisé pour indiquer une unité de masse pour mesurer le poids de quelque chose en argent ou en or.

Le talent était donc signe d’une grande richesse. Ce qui signifie que Dieu est extrêmement généreux vis-à-vis de nous tous, ses serviteurs, même avec celui qui à qui Il n’a donné qu’un seul talent.En hébreu, l’équivalent du terme/mot poids ou de ce qui pèse le plus, c’est le kabod du Seigneur, qui devient par la suite gloria en latin. Pour dire que Dieu est le plus dense, qu’Il est le plus important. Le Kabod du Seigneur se trouvait dans le temple, plus précisément sur le siège de la miséricorde qui couvrait l’arche de l’alliance, entre les deux chérubins. Ce siège était considéré comme le lieu où demeurait le Seigneur et d’où Il donnait son Kabod, sa gloire pesante, qui n’est autre que son infinie miséricorde divine.

Retournons à la parabole. Les trois serviteurs reçoivent donc une bonne et énorme portion de miséricorde divine, qui a été versée dans leur cœur. La miséricorde divine existe uniquement sous forme de don, don appelé à être fructifié. Dans cette logique-là, quand vous dépensez cette miséricorde divine, quand vous la donnez aux autres, elle augmente automatiquement en vous! Le problème du troisième serviteur, qui ne reçoit qu’un seul talent et qui l’enfouit, c’est qu’il ne comprend pas la nature du don reçu. La seule chose que nous ne pouvons pas faire avec la miséricorde divine, c’est de la garder pour soi, la préserver. Ce qui va se passer, c’est que le Maître vous l’arrachera ! C’est une simple réalité spirituelle. Quand vous essayez de faire de la miséricorde divine votre propre possession, vous la perdez.

Quand vous dépensez et dispensez le don de la miséricorde que vous avez reçu, elle augmente en vous.Dans quelques instants, des membres de la confrérie du St Rosaire de notre paroisse vont renouveler leurs vœux.

J’en profite pour les remercier de tout cœur pour tout ce qu’elles apportent à notre paroisse de par leur présence. Je les remercie avant tout pour leur beauté, beauté qui émane surtout du fait qu’elles aient toutes répondu à l’appel du Seigneur qui leur a dispensé des talents et qui les a invitées à les investir au service de son royaume dans notre paroisse. Je les remercie d’avoir incarné la vraie vocation de toute confrérie, celle d’être une fraternité, une famille de croyants engagés dans la paroisse et dans l’église et qui cheminent ensemble. Je les remercie de nous avoir porté de par leurs prières, de s’occuper de nos besoins paroissiaux les plus rudimentaires, et de vivre ainsi la charité chrétienne. Je voudrai également les remercier car elles ont toujours ce souci d’être formées spirituellement et intellectuellement dans leur foi. Et j’invite les femmes et les hommes qui aimeraient suivre leur exemple et les rejoindre à ne pas hésiter un instant.

Chers frères et sœurs, tout ce que notre Dieu sait faire, c’est donner. C’est ça la miséricorde divine. Entrons dans la confiance, et réalisons à quel point Il nous fait confiance. Soyons conscient des grâces qu’Il nous octroie ; soyons conscients de son infinie miséricorde qu’Il verse en nous. Soyons la bonne terre de laquelle jaillira le bon parfum de la gloire divine dont a besoin notre monde aujourd’hui !

A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles !

Homélie Les dix vierges

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Mt 25, 1-13

Chers frères et sœurs, cette parabole des dix vierges est révélatrice de notre condition humaine et de notre vie de foi. Elle s’adresse à nous, chrétiens porteurs de lumière, invités à la rencontre de l’époux.

C’est à nous qu’est déjà confiée la tâche d’éclairer la route. C’est à nous d’être lumière dans l’obscurité et de guider les autres vers les noces. C’est à nous d’avoir des provisions, surtout au milieu de la nuit, quand tout n’est pas clair dans notre vie, quand nous sommes face à des difficultés et face au grand sommeil de la mort. C’est à nous de vivre notre foi et de refléter ce bonheur des amis de Dieu.

Déjà, comme les vierges de la parabole, insouciants ou prévoyants, nous sommes tous portés par ce désir d’aller à cette rencontre. Les vierges portaient ce désir, inné en nous, conscient ou inconscient, de nous unir pleinement à Dieu en son royaume. Et les noces incarnent cette union et cette plénitude, notre besoin de sécurité, de stabilité, de nouveauté et de plénitude. Mais la parabole nous signale le grand écart entre la volonté de Dieu pour ses enfants et la réalité concrète que nous vivons.

En vrai, nous désirons et cherchons le royaume de Dieu, mais nous ne le faisons pas tous avec sagesse. Les sages parmi nous sont ceux qui, tenant compte du temps dont ils disposent, se sont préparés dès le début à la venue du Seigneur. Mais les insensés et les insouciants reflètent qu’il y a des croyants laxistes et des indifférents. Il y a malheureusement des chrétiens qui n’orientent pas leurs efforts vers l’espérance et la résurrection. Ils vivent uniquement pour ce monde, sans se soucier forcément du jugement dernier.

Que signifierait l’huile en ce contexte eschatologique de la fin des temps ? St. Augustin suggère qu’elle symboliserait la charité. Ainsi, il est tout à fait plausible de dire que l’huile se réfère à une disposition intérieure qui accompagne nos actes. Car, en fin de compte, le cheminement des dix vierges semble pareil. Leurs actions sont similaires. Et leur projet est le même, celui d’aller à la rencontre de l’époux. Elles sont toutes équipées de leurs lampes. La différence réside en ce qu’elles ont, au milieu de la nuit, des provisions de côté. St Augustin nous rappelle l’hymne à la charité de la première lettre aux corinthiens de St Paul qui déclare l’inutilité des actions qui ne sont pas pourvues de charité. J’en retire cette belle expression : … J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.

Chers frères et sœurs en Christ, le Seigneur nous demande aujourd’hui : Avez-vous agi avec amour ? Avez-vous gardé allumée la lampe de votre espérance ? Nous sommes en ce moment invités à vérifier nos lampes. Sont-elles animées par des préoccupations et des désirs liés uniquement à la vie présente, ou brûlent-elles de l’huile durable de la charité, que même les ténèbres de la mort ne peuvent éteindre ?

A notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles.

Homélie Quatrième Dimanche après l’exaltation de la Croix

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Mt 24, 45-51

Chers frères et sœurs, le maître viendra le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas. Une chose est sûre et certaine : nous ne pouvons pas échapper à la mort et le Seigneur viendra pour nous juger ; et la question que nous devons-nous poser est celle-ci : à ce moment-là, serions-nous préoccupés à faire Sa volonté ou la nôtre ?

Nous allons mourir et nous serons jugés. Beau sujet pour une conversation si vous êtes avec des amis. Imaginez-vous en train de entamer une discussion avec quelqu’un en lui disant : tu vas mourir. Nous allons mourir, et, pour la plupart des saints, c’est la réalité première qu’ils se fixent au lever du jour quand leur journée démarre. Ils font cela non pas pour sombrer dans le désespoir, mais plutôt pour que chaque jour soit pour eux une occasion d’un nouveau départ avec Dieu.

Que vais-je faire aujourd’hui pour Dieu ? Quelle est la volonté de Dieu pour moi aujourd’hui ? comment faire pour que je sois apte à aller là où je ne veux pas aller si, à un certain moment, le Seigneur vient me dire d’arrêter mes projets personnels ? Bien plus, comment faire pour que cette dernière journée soit vécue dans la plénitude de la joie avec le Seigneur et avec les autres? Comment faire pour que ce jour de ma mort soit le couronnement de ma vie? Suis-je prêt à rencontrer le Seigneur face à face ? Suis-je prêt à être jugé d’un jugement dont la mesure sera l’amour-même ? et quelles paroles voudrais-je que le Christ dise de moi à ce moment d’ultime rencontre ?

Que va-t-il me dire ? En ce qui me concerne, j’aimerai qu’il me répète les paroles qu’Il adresse au serviteur fidèle au chapitre 25 : Très bien, serviteur bon et fidèle. Très bien, tu as bien agi, tu m’as été fidèle, tu as pris soin des miens, tu as fait ma volonté de ton mieux. Oui, heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi !

Chers frères et sœurs, en attendant le beau face à face avec Notre Seigneur, nous prions aujourd’hui pour que chaque instant de notre vie terrestre soit une préparation à cette rencontre. Nous prions pour que notre vie soit enracinée dans le bonheur du ciel, le bonheur de ceux qui cherchent et qui font la volonté de Dieu.

A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles.

Homélie Les faux prophètes

Troisième dimanche après l’Exaltation de la Croix

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

Mt 24 : 23-31

Il surgira des faux messies et des faux prophètes, ils produiront des signes grandioses et des prodiges, au point d’égarer, si c’était possible, même les élus.

Chers frères et sœurs, ce passage de l’évangile de Matthieu que nous venons d’entendre fait partie du discours sur la fin des temps du chapitre 24 et 25, où Jésus alerte ses disciples sur les difficultés et les défis, les atrocités qui caractériseront ces temps-ci, et auxquels devront faire face ceux qui sont appelés à le suivre. Jésus ne mentionne pas de date particulière quand les disciples l’interrogent à propos de la fin. Il est plus concerné par la mise en garde de ces derniers et par leur éducation ; il veut les préparer à faire face à cette fin. Mais ce qui est plus important pour le Christ, c’est que nous ne passions pas notre temps à nous soucier des temps à venir, au point que cela devienne une obsession. Il souhaite plutôt que nous nous préoccupions de l’instant présent. Il veut nous encourager à tenir ferme dans la foi, et il nous donne les outils nécessaires pour faire face aux persécutions, aux tentations et aux moments sombres de nos vies.

Une des grandes tentations serait, d’après ce texte, la séduction des faux-prophètes. Et ne vous détrompez pas, parfois il n’est pas si évident de discerner les faux-prophètes. Et, aujourd’hui comme hier, les faux-prophètes sont nombreux et peuvent mener, aussi bien les élus que les chrétiens, à l’égarement. Ils peuvent nous dérouter et nous convaincre. Ils pensent détenir personnellement la/les vérité(s) qu’ils proclament. Rappelez-vous certaines sectes qui nous ont martelés en nous proposant des dates précises sur la fin des temps. Vous avez sans doute regardé ou entendu parler des films en 2012 sur la fin.

Chers frères et sœurs, une des dimensions de notre baptême, en tant que membres du corps du Christ, c’est d’être prophète. Et la prophétie, au sens biblique, a diverses caractéristiques : une relation intime avec le Seigneur ; un zèle missionnaire qui pousse le prophète à dépasser sa peur afin de transmettre la parole de Dieu et d’en être le témoin. Le prophète est également celui qui cherche à mettre en évidence la gloire de Dieu et non sa gloire personnelle. Il est surtout quelqu’un qui reconnaît sa fragilité et qui la remet entre les mains de Dieu. Rappelez-vous Moise et Jonas. Mais ce qui caractérise la prophétie chrétienne, c’est qu’en plus des caractéristiques déjà mentionnées et bien d’autres, le chrétien est surtout porteur de la croix, à la suite du Christ. Il est également porteur d’espérance, lumière qui surgit de l’expérience de sa propre passion unie à celle du Christ, lumière qui éclaire l’obscurité. Le chrétien est, comme le dit st Paul, quelqu’un qui a sa citoyenneté dans les cieux.

Malheureusement, certains peuvent perdre la voie, oublier l’appel qui leur a été conféré de par leur baptême. Leur témoignage devient alors un faux témoignage. Ce sont là les faux-prophètes, les faux-messies dont parle l’évangile. Certes, le Christ nous alerte en nous disant que certains produiront même des signes grandioses et des prodiges. Mais un faux-prophète est avant tout un chrétien déchu qui se comporte, comme le dit st Paul, en ennemi de la croix du Christ. Il s’agit de quelqu’un qui met sa gloire dans ce qui fait sa honte. Il s’agit de quelqu’un qui vit pour ce monde. Il œuvre, consciemment ou inconsciemment, pour égarer les autres du vrai chemin. Nous risquons nous-mêmes de devenir des faux-prophètes quand nous vivons sans espérance, quand nous ne bâtissons que des demeures terrestres, quand nous nous accroupissons dans un coin et que nous n’allons pas de l’avant, témoignant avec espérance de notre foi. Nous devenons de faux-prophètes quand nos cœurs s’endurcissent et quand l’indifférence règne en reine dans notre quotidien. Nous devenons des faux-prophètes quand nous perdons les repères moraux que nous enseigne notre église, quand tout devient permis et que nous n’arrivons plus à distinguer le bien du mal.

Chers frères et sœurs, nous sommes citoyens des cieux. Rappelons-nous notre grandeur et notre dignité. Croyons fermement en nous, car Dieu croit en nous. Ne tournons pas notre dos à notre appel premier. Demeurons fermes sur le droit chemin, chemin de beauté, de bonté et de vérité.

Notre gloire découle de la gloire de Notre Seigneur, à Lui la gloire à jamais.

Homélie Deuxième dimanche après l’Exaltation de la Croix

P. Béchara AOUN

Évangile du jour

“ À cause de l’ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira “.

Frères et sœurs, nous sommes au deuxième dimanche du temps de la croix. Dimanche dernier, Jean et Jacques demandent au Seigneur : « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire». Et ce dimanche, les disciples demandent à leur maître, en privé sur le mont des Oliviers : « quel sera le signe de ta venue et de la fin du monde ?»

Plus que trois ans pour arrêter un changement climatique irréversible. C’est ce que nous avons entendu ou lu l’année dernière à travers les médias. Ce genre d’information nous met face à nos responsabilités liées à notre manière de vivre. Et en même temps, cela nous donne un sentiment d’impuissance devant l’ampleur de ce qui est annoncé. Nous voyons alors par exemple dans la chaleur excessive un signe précurseur de cette catastrophe. Du coup, certains décident de changer de mode de vie et en adoptent un proche de la nature. Ils consomment moins, ils consomment Bio et que sais-je encore. D’autres au contraire ne se sentent pas concernés. Ils rejettent la faute sur les industriels, les politiques, etc. Certains se sentent découragés, ils se disent que leurs petits gestes écolo quotidiens ne changeront rien à cause des personnes irresponsables qui ne font qu’empirer la situation.

Sur un autre registre, en rapport à la Bible, la grande catastrophe a un nom : la fin du monde. Des sectes telles que les témoins de Jéhovah se servent de ce sujet, fixent de fausses dates. Ils ont des objectifs douteux. Nous savons que l’Église traverse une terrible crise, pas uniquement en Occident, mais aussi en Orient. Cela va-t-il hâter la venue du Christ dans la gloire ? Nous n’en savons rien.

Mais alors comment puis je faire face à la fin du monde ? Que fait le chrétien devant cette catastrophe annoncée par Jésus en personne et qui dépasse l’humanité entière ? Nous pouvons faire face à la fin du monde par la foi. Nous avons cette assurance : la victoire est remportée. Christ est mort, Christ est ressuscité, Christ reviendra. Avant d’être assassiné par les Nazis, Dietrich Bonhoeffer , théologien et pasteur luthérien allemand, déclare : «notre victoire est certaine ». C’est exactement pour cela que tant de saints et de martyrs ont donné leur vie, à l’image de Takla que nous fêtons demain.

En attendant la seconde venue du Seigneur dans la gloire, rendons grâce au Seigneur pour le temps présent en suivant les directives de Saint Paul données aux Corinthiens « Reprenez donc vos esprits, et ne péchez pas ». Je rends grâce au Seigneur aussi pour toutes les personnes très attentives à la propreté de l’église et de la nature qui l’entoure, ramassant les déchets pour que toute la communauté se sente bien chez elle. Votre geste nous donne envie de prendre soin de la nature à notre tour, en jetant à la poubelle les déchets (gobelets, mégots de cigarettes, etc…).

Et prions pour que Dieu nous donne la force, la sagesse, l’humilité et le courage d’achever, dans la paix et l’inébranlable foi, notre séjour sur terre. Amen

Homélie fête de l’exaltation de la Croix

P. Joseph G. EID

Évangile du jour

L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié

Chers frères et sœurs, nous fêtons aujourd’hui la fête de l’exaltation de la croix. Cette heure de gloire, c’est l’heure de la passion de notre Seigneur, l’heure de la crucifixion du Fils de l’homme qui s’abandonne entre les mains de son Père, pour nous révéler que l’Amour de Dieu est vainqueur de la souffrance et de la mort, pour nous dévoiler que notre vie trouve tout son sens en cet amour qui nous relève de l’absurdité vers la lumière. Nous savons déjà quelle est notre destination finale.

La croix nous révèle un Dieu Père plein de miséricorde qui nous aime d’un amour déconcertant. Un Père tellement écœuré par ce châtiment infligé à Son Fils, mais qui, par amour pour chacun de nous, préfère, j’oserai dire, souffrir en silence. Nous avons tellement de valeur aux yeux de Dieu, au point d’être dignes de Son amour non-mérité. La croix nous laisse pénétrer au cœur même de Dieu et nous révèle la nature même de l’Amour, le vrai Amour… un amour qui se veut sacrificiel pour celui qu’on aime. L’attitude du Fils qui, malgré son angoisse et sa douleur, démontre un courage inégalé. Oui, celui qui aime est courageux, tout en restant doux et humble. La croix nous projette un Jésus patient face aux injures, aux inflictions et aux humiliations, mais qui reste attaché à la volonté de son Père malgré le silence pesant de ce qui peut paraître comme l’absence de ce dernier. Et combien de fois, dans nos épreuves, ne nous sommes nous pas sentis révoltés à cause de ce silence ?

Mais la croix, c’est également l’ultime moment des paradoxes. Et c’est ce qui va vraiment marquer notre cheminement dans la foi. C’est ce qui va faire la gloire du chrétien, sa force et sa sagesse. Certes, la souffrance nous est déplorable, répulsive, mais la croix, elle, le chrétien l’aime et la chérit. Car aussi paradoxal que ceci puisse paraître, notre amour et notre charité chrétienne sont purifiés grâce au feu de la croix.

Déjà dans sa première lettre aux corinthiens, St Paul parle du paradoxe du langage de la croix qui est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais puissance de Dieu pour ceux qui vont vers leur salut. Ceux qui vont à leur perte, ce sont ceux qui ne vivent que pour ce monde. Ce sont plus les raisonneurs d’ici-bas, autrement dit ceux qui sont sages selon la sagesse du monde, la sagesse que Dieu a rendu folle. St Paul va expliquer que le monde, avec toute sa sagesse, ne peut pas reconnaître Dieu, et qu’il en est ainsi par une disposition de la sagesse de Dieu. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à laisser notre intelligence être éclairée par la sagesse de Dieu et, comme le dit St Paul, nous sommes appelés à proclamer quelque chose qui peut paraître comme folie aux yeux des hommes : un Messie crucifié. Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

Chers frères et sœurs, la force du chrétien est ancrée dans sa faiblesse et dans son espérance en Dieu. La sagesse du chrétien est vraiment folie, mais heureuse folie qui puise de la sagesse de Dieu.

Méditation Vendredi Chemin de Croix

Marie au pied de la croix

P. Joseph G. EID

Après avoir parlé la semaine dernière de la figure du disciple bien-aimé, je vais m’arrêter aujourd’hui sur la figure de Marie au pied de la croix, à partir du passage de l’évangile de Saint Jean (Jn 19, 25-27). Et pour ce, je vais parler de Marie à partir de trois axes : Marie comme témoin qui se tient au pied de la croix, Marie comme mère appelée à regarder son nouveau fils/le disciple bien-aimé, et le disciple appelé à prendre Marie chez lui.

Je commence par lire le texte

Or, près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie Madeleine. Jésus, voyant sa mère, et près d’elle (se tenant près d’elle) le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui

En nous plaçant dans la scène, nous pouvons voir Jésus, trois femmes, et le disciple bien-aimé. Ils sont au total cinq personnes. Ils sont unis par l’amour qu’ils ont pour celui qui est sur la croix. L’amour les a convoqués en cette heure douloureuse pour être présents au coté de celui qu’ils aiment, de Jésus ; tout comme nous aimerions aussi être présents près du lit de mort d’un être aimé. Seuls ceux qui aiment une personne qui souffre ont le courage d’être à ses côtés. La souffrance n’est pas quelque chose qui nous attire. Mais être présent surtout aux derniers moments de la vie d’une personne est signe d’un amour mature.

I. Marie se tenant au pied de la croix

Face à la souffrance, il est difficile de rester ferme, c’est-à-dire de « se tenir debout », surtout pour une mère qui regarde mourir son fils. Dans le texte original, le verbe histemi (grec), signifie « redresser », « se tenir debout ». Que veut dire être debout dans la tradition biblique ?La première fois qu’apparaît ce mot dans ce passage est quand l’évangéliste raconte que Marie, les autres femmes et le disciple bien-aimé « se tenaient debout (fermes) » au près de la croix. Le mot « croix », staurós en grec, a ses racines dans le verbe histemi. Enfin, le mot apparaît quand le disciple bien-aimé est décrit comme « se tenant près de la mère ». Je reviens vers la question : Que veut dire être debout, se tenir debout dans la tradition biblique ?

a. Se tenir debout est la position du témoin. Le mot pour témoin en grec est martys, le martyr, celui qui témoigne. Un témoin est prêt à témoigner quelles que soient les conséquences, même s’il doit donner sa propre vie. Jésus, se tenant debout sur la croix, est le témoin de l’amour du Père pour lui et pour l’humanité. Et le Fils témoigne en donnant volontairement sa propre vie sur la croix.

b. Nous ne pouvons pas oublier que Marie n’est pas seulement une mère, elle est juive. En tant que mère juive, elle sait que son rôle n’est pas seulement d’être une mère aimante pour ses enfants, mais aussi d’être leur enseignante. L’évangéliste place le disciple debout près de la mère. Son témoignage accompagne le témoignage de Marie. Mais Marie, avant d’être désignée comme mère du disciple et enseignante, est aussi un disciple qui suit son Fils au pied de la croix. Elle donne à ses fils et à ses filles spirituels l’exemple d’un témoin ferme (tenant debout) qui suit les traces du Maître.

c. Être debout est aussi la posture de prière dans la culture et le temps de Jésus. Jésus enseigne à ses disciples à être en prière constante. Marie, les autres femmes et le disciple bien-aimé font ce que leur Maître enseigne. Jésus lui-même prie. Comme nous le savons déjà, quand Jésus dit sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps. 22), il est en train de prier.Les prières sont importantes surtout quand nous sommes au chevet d’un être cher en train de souffrir et que nous ne pouvons rien faire pour arrêter les souffrances. Jésus, Marie, les autres femmes et le disciple bien-aimé prient et offrent leur souffrance à Dieu.

d. Rester/tenir debout est aussi la posture de l’écoute de l’Évangile. Dans la liturgie, nous nous levons pour écouter l’évangile. Quand nous écoutons l’Évangile, nous sommes témoins dans le monde de ce que nous avons entendu être proclamé. Nous affirmons que ce que nous entendons est vrai, et nous sommes prêts à donner notre vie pour cette vérité. Les personnages présents, debout près de la croix, représentent l’amour que nous avons pour notre Seigneur Jésus-Christ.e. Etre debout c’est également préfigurer la résurrection du Christ.


II. Femme, voici ton fils (regarde ton fils)

Je pense qu’il est également important de s’arrêter sur le regard dans ce passage.

a) Jésus voit sa mère et le disciple.

b) Jésus demande à sa mère de voir le disciple/fils.

c) Jésus demande au disciple/fils de voir sa mère.

En les regardant lui-même, Jésus pénètre dans leurs cœurs profondément. Jésus sait ce qu’il y a à l’intérieur de Marie et du disciple bien-aimé. Il les connaît bien. Il a toujours su qu’ils seraient là avec Lui, et maintenant, par la croix, ils sont en réalité avec Lui. En portant la souffrance à ses côtés, en buvant à la même coupe, ils sont maintenant prêts à être appelés à une nouvelle mission.Quand Jésus dit à Marie « regarde ton fils » et au disciple « regarde ta mère », il les appelle à se mettre face à face et à se contempler. Sa mère est un don de Jésus au disciple, mais aussi le disciple est un don qui vient du cœur de Jésus à sa mère. La nouvelle mission est d’établir une nouvelle relation entre mère et disciple.Un autre mot grec sur lequel je veux me concentrer est le verbe lego qui signifie « dire », « parler », « commander ». Le verbe apparaît deux fois dans le texte :

a) Jésus  » dit  » à sa mère,b) alors Il « dit » à Son disciple.Dans le récit de création quand Dieu  » dit « , on a un acte de création. Quand Dieu crée le Monde, « Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut (Gn 1: 3). Et devant tout ce qu’il crée, Dieu dit que c’est bon, à l’exception de l’être humain, où il dit que c’est très bon.

Ainsi, quand Jésus regarde le disciple et lui dit « voici ta mère » et inversement, Marie devient la vraie mère du disciple, et le disciple devient son vrai fils. Une nouvelle famille vient à exister, selon ce que Jésus dit. Et cela doit être bon, selon ce que nous avons observé à propos du discours de Dieu dans le récit de la création

III. Le disciple prend Marie chez lui

Le disciple bien-aimé, écoutant ce que Jésus lui demande, prend Marie comme une nouvelle mère, comme sa propre mère. Il la prend dans son intimité et lui donne une place chez lui.
Conclusion

1) Connaître Marie, c’est la suivre/marcher avec elle à la suite de son Fils.

2) Debout devant Marie au pied de la croix, nous devenons fils et filles de Marie.

3) Un fils et une fille de Marie témoignent de la croix et de la résurrection de Jésus.

4) Au pied de la Croix, Jésus demande à sa mère et à son disciple de se contempler, en d’autres termes, de pénétrer le cœur de l’autre et de vivre dans une relation intime les uns avec les autres.

5) Après une profonde contemplation, le disciple emmène avec empressement la mère de Jésus chez lui.