L’Eglise Maronite Syriaque Antiochienne
L’Eglise Antiochienne
L’Eglise maronite s’est formée au sein de l’Eglise d’Antioche, elle-même née de la prédication des Apôtres, et reconnaît être de fondement pétrinien. C’est, en effet, à Antioche, capitale du diocèse d’Orient dans l’Empire romain, que “pour la première fois, le nom de “chrétiens” fut donné aux disciples” (Ac 11:26), qualificatif commun à tous ceux qui ont suivi Jésus et fondement immuable de toute identité ecclésiale authentique. C’est à Antioche également que l’Eglise s’est ouverte aux nations devenant la “fille des peuples”.
Dès sa naissance, l’Eglise d’Antioche s’est distinguée par la vie de l’unité dans la foi, et la communion dans le cadre de la pluralité qui a caractérisé les peuples de cette région de par la diversité des civilisations, des cultures et des langues. Cette pluralité a doté l’Eglise d’Antioche d’une fécondité spirituelle et intellectuelle et d’un zèle apostolique qui l’ont distinguée des autres Eglises. Le patrimoine chrétien d’Antioche est considéré, jusqu’à nos jours, comme l’un des plus riches et des plus profonds. Grande fut son influence dans l’histoire et la vie de l’Eglise, notamment au cours des six premiers siècles, car il avait permis à la théologie chrétienne de s’exprimer à travers deux courants de civilisation qui se sont entrecroisés: le courant araméen syriaque et le courant hellénistique. Le premier était prédominant dans les villes de l’intérieur et les campagnes, alors que le second était répandu dans certaines villes côtières.
Dans cette diversité de civilisations et de langues, des Eglises locales ont vu le jour à Antioche, ayant chacune son cachet propre tout en gardant la structure synodale de la première Eglise. Cette structure resserre les liens de communion entre les membres de la même Eglise locale dans la diversité de leurs charismes et de leurs fonctions, en vue d’édifier le Corps unique du Christ. Le Nouveau Testament souligne à plusieurs endroits la naissance de ces Eglises et leur importance quant à leur attachement à la communion et à l’unité (cf. Ac 2:44; 4:32; 15:1-29; 1 Cor 12:12-30).
Les Maronites et le Liban
Les Maronites sont les Chrétiens qui se sont groupés autour d’un prêtre, Maron, et qui ont adopté son mode de vie. Maron a vécu près d’Antioche, vers la fin du 4e siècle. L’Eglise alors était divisée. Des Chrétiens affirmaient que l’homme Jésus était Dieu, d’autres ne reconnaissaient que son humanité. Certains, conformes à la doctrine de Chalcédoine, voyaient en lui deux volontés; d’autres n’en voyaient qu’une. Les villes étaient divisées, les villages aussi. Ces divisions atteignirent même les familles. Maron quitta la ville, s’installa sur la montagne pour être à l’écart des controverses théologiques et adorer Dieu.
Dans sa retraite, Maron découvrit que sa vocation était de vivre avec le peuple. Il redescendit pour vivre avec son peuple et lui enseigner la vraie doctrine. Ses disciples augmentèrent en nombre. Ils prirent son nom et se nommèrent Maronites. Maron est mort en 410. Ses disciples continuèrent sa mission. En 451, au concile de Chalcédoine, ils se tiennent à des positions claires et avec le Concile, ils soutiennent que le Christ est Dieu et homme à la fois, ayant deux natures: divine et humaine. Ils agissent en défenseurs intraitables du Concile. C’est alors que les ennemis du concile de Chalcédoine devinrent les ennemis des Maronites qui donnèrent 350 martyrs et commencèrent à gagner le Liban par groupes.
Les libanais du Mont-Liban s’étaient convertis à la fin du 5e siècle au Christianisme grâce à quelques disciples de saint Maron et devinrent Maronites. Ils accueillirent leurs frères qui venaient des alentours d’Antioche et ensemble, ils poursuivirent leur mission. Leurs relations avec le patriarcat de Constantinople devenant difficiles après l’installation des Arabes dans la région, ils furent donc contraints d’élire eux-mêmes leur propre Patriarche; ce fut saint Jean-Maron, en 687.
L’Empereur de Byzance se comportait comme s’il était le roi de l’Eglise. Il nommait les Patriarches et intervenait dans les affaires de l’Eglise. Les Chrétiens venaient à lui pour régler tout problème. Quand les Maronites se donnèrent un Patriarche, Byzance ne le toléra pas. Durant une tournée dans la région, l’armée de Byzance attaqua les Maronites. Il y eut un combat à Amioun; ce furent les Maronites qui remportèrent la victoire. Le Patriarche s’installa à Kfarhay faisant du palais épiscopal son siège patriarcal.
Eglise patriarcale à cachet ascétique et monastique
Le patriarcat antiochien syro-maronite est né sous l’égide du couvent Saint Maron à une date encore indéterminée, entre la fin du VIIe siècle et la première moitié du VIIIe, dans des circonstances religieuses, culturelles, politiques et sociales non encore complètement clarifiées et qui, réunies, ont conduit à la division du Siège melkite d’Antioche entre “Maronites” et “Roums”. En effet, dès le VIIIe siècle, les Maronites se sont manifestés en tant que communauté ecclésiale autonome au sein du Siège d’Antioche, à côté de l’Eglise syriaque orthodoxe d’une part, et de l’Eglise grecque orthodoxe, de l’autre. Cet événement fondateur imposa à l’Eglise maronite, clergé et laïcs, un cachet ascétique et monastique incontesté, laissant ses empreintes sur sa spiritualité et son organisation ecclésiastique. Et voilà qu’elle cherche aujourd’hui, à travers son synode patriarcal, les moyens d’actualiser ce cachet afin qu’elle remplisse sa mission évangélique dans son milieu selon le charisme particulier qui est le sien.
Que le patriarcat maronite ait un fondement ascétique et monastique, cela ne signifie pas que notre Eglise provient d’un mouvement monastique autonome au sein du Siège d’Antioche. Le couvent Saint Maron s’inscrivait dans la structure ecclésiastique antiochienne depuis sa fondation à la suite du concile de Chalcédoine (451) et jusqu’à l’émergence du patriarcat maronite sous son égide. Cela est confirmé par l’existence de moines-évêques, du moins au VIIIe siècle, qui étaient supérieurs de ce couvent, conformément à une ancienne tradition ecclésiastique dans nos Eglises orientales. Cette convergence entre le monachisme et l’épiscopat signifie que le couvent Saint Maron et ses moines, tout comme les couvents et les communautés chrétiennes qui se trouvaient tout autour, faisaient partie de la structure antiochienne par le biais de l’évêque de ce couvent et des évêques des couvents qui se trouvaient à proximité. Tout cela montre que le couvent Saint Maron était dans la continuité du rôle ecclésiastique que lui avait assigné l’Eglise d’Antioche au VIe siècle en nommant le supérieur du “couvent du Bienheureux Maron” exarque des couvents de la Syrie seconde, c’est-à-dire surveillant de ces couvents et leur lien avec le patriarche d’Antioche et l’empereur.
C’est ainsi que notre Eglise, en référence à une ancienne tradition rapportée par le patriarche Etienne Douaïhy, d’heureuse mémoire (1670-1704), considère Saint Jean-Maron – moine puis supérieur du couvent Saint Maron – comme le premier patriarche d’Antioche pour les Maronites, et célèbre sa mémoire le 2 mars. Jean-Maron a inauguré une série de patriarches-moines qui a duré, ininterrompue, jusqu’au XVIIe siècle. C’est ainsi que l’état monastique paraissait comme inséparable du ministère épiscopal ou patriarcal dans notre Eglise. En effet, après leur ordination épiscopale, les moines persévéraient dans l’état monastique qu’ils avaient adopté. Cela signifie que cet état est d’autant plus pastoral qu’il est évangélique dans ses principes et ses objectifs.
Ce lien étroit entre l’état monastique et l’épiscopat commença à changer depuis que, sous l’influence romaine, par le biais du Collège Maronite à Rome (1584), la coutume s’est instaurée parmi nous, consistant à confier le ministère épiscopal ou patriarcal, comme en Occident, à ceux qui sont dans le célibat, indépendamment de leur statut clérical ou monastique. En dépit de ce changement, le rituel d’ordination chez les Maronites (chirotonie) a conservé ce lien traditionnel en sorte que celui qui est élu à l’épiscopat, s’il n’est pas moine, est revêtu du capuchon monastique.
Le fondement ascétique et monastique du patriarcat maronite a incontestablement fait de l’Eglise maronite à travers sa longue histoire, une grande communauté conventuelle, la “paroisse du patriarche”, axée sur le couvent du siège patriarcal et voyant dans celui qui occupe ce siège le Père, le chef et le gardien de l’unité de la communauté. Ce fondement devait avoir une grande influence sur l’organisation ecclésiastique des Maronites demeurée vivante jusqu’au Synode provincial du Mont-Liban (1736). Les Maronites formaient jusqu’alors une seule paroisse sur laquelle veillait exclusivement le patriarche, aidé toutefois, dans les affaires temporelles, par quelques notables, et dans les affaires pastorales, par un certain nombre d’évêques auxiliaires qui résidaient au siège patriarcal même ou dans les couvents voisins et qu’il déléguait pour des visites pastorales. Bien que l’autorité absolue du patriarche ait été contestée par moments, il n’en reste pas moins que cette organisation était dans son ensemble un témoignage vivant de la collégialité épiscopale permanente centrée sur la communion de la vie conventuelle stable et consistant dans la prière commune, la méditation de la Bible, le travail manuel et la pratique des jeûnes.
Liturgie Maronite
La liturgie maronite est d’origine antiochienne, elle est entrée en interaction avec les Églises syriaques, orientales et occidentales prenant des structures et des formes définitives au Mont Liban. Le rite maronite appartient à la famille antiochienne occidentale, d’où trois conclusions:
a. Le rite maronite est apparenté à la tradition syro-antiochienne qui con”. Il constitue ainsi avec les deux traditions, hiérosolymitaine et antiochienne, une unité liturgique intégrale.
b. Le rite maronite antiochien est ouvert au rite syriaque oriental, c’est-à-dire chaldéen-assyrien, d’où de nombreux points communs puisés notamment dans les écrits de Saint Ephrem et de Saint Jacques de Saroug qui ont joué un rôle capital dans la constitution de la liturgie maronite.
c. Le rite maronite, malgré l’influence ultérieure et marginale du rite latin, a conservé une personnalité liturgique unique. Ses textes liturgiques portent une théologie antiochienne et syriaque authentique, et la structure des prières et des cérémonies est indiscutablement du type antiochien-hiérosolymitain.
La liturgie maronite revêt donc une identité antiochienne et syriaque. Malgré les points communs avec les Syriaques, les Chaldéens et les Coptes, le rite maronite se réserve un caractère unique, avec des éléments et des constituants propres, ce qui l’a préservé de la dispersion et de la dissolution dans d’autres rites.
De nombreuses études montrent l’interaction organique entre les rites maronite, syriaque et chaldéen. Les recherches prouvent que les trois liturgies syriaques ont une origine commune, à savoir la liturgie de la villed’Edesse. Ces liturgies se sont développées dans le cadre de leurs Eglises qui appartiennent à la civilisation syro-antiochienne[1]
Partant de ces recherches, nous remarquons que la liturgie maronite, à profondeur antiochienne, porte toujours des traces édessiennes caractérisées par une structure distincte et un mode connu, témoin l’anaphore“Charar”, les rites de la consécration du saint chrême et de l’eau et certains cantiques liturgiques attribués à Saint Ephrem le Syriaque et à Saint Jacques de Saroug, ainsi qu’à d’autres pères syriaques.
Eglise en parfaite communion avec le Siège apostolique de Rome
La communion avec l’Eglise romaine est un élément fondamental et traditionnel de l’identité, de la vocation et de la mission de notre Eglise maronite. Si les dimensions de cette communion se sont révélées au début du deuxième millénaire, dans leur aspect historique que l’on connaît, elles n’étaient pas pour autant, dans notre Eglise, une affaire passagère dictée par des circonstances historiques déterminées. La continuité soutenue de cette communion jusqu’à nos jours est la meilleure expression de l’indéfectible fidélité des Maronites à une tradition ecclésiale séculaire, commune à l’Orient et à l’Occident, qui confère à l’évêque de Rome, successeur de Pierre, chef des apôtres, la tâche de veiller à l’unité visible de l’Eglise du Christ et de servir la communion entre les Eglises. C’est peut-être l’autonomie ecclésiastique des Maronites qui les a maintenus dans cette tradition depuis le VIIIe siècle, de sorte qu’ils ne semblent pas avoir été influencés par les querelles ecclésiologiques qui avaient éclaté entre “Latins” et “Grecs” autour de la nature et de la structure de l’Eglise, et qui avaient conduit, au XIe siècle, à la rupture de la communion canonique entre les Eglises de Rome et de Constantinople. L’Eglise antiochienne maronite réalise que sa foi dans le mystère de l’Incarnation selon la formule chalcédonienne, était aussi l’un des principaux facteurs qui avaient affermi sa pleine communion avec le Siège apostolique de Rome.
Cette communion s’est manifesté par l’attention donné par Rome au Liban, et notamment par la visite historique du Pape Jean Paul II en 1997 durant laquelle le Pape affirma: «Le Liban est plus qu’un pays, le Liban est un message».
Les Maronites comptent aujourd’hui sept millions d’âmes de par le monde dont un Million et Cent Milles au Liban. Ils sont sous le patronage et la paternité du patriarche Mar Béchara Boutros Al Raï, patriarche d’Antioche et de tout l’Orient.