Homélie du troisième Dimanche après l’Epiphanie
P. Joseph G. EID
Textes du Jour
Ep 3, 23-29 et Jn 3, 1-16
Aujourd’hui, essayons de nous placer au cœur de cette scène de l’évangile. Imaginons-nous témoins de cette rencontre entre Jésus et Nicodème. Il fait nuit. Et Nicodème vient discrètement rendre visite à Jésus. Rappelons-nous qui était ce Nicodème ; et qui était Jésus dans ce contexte. Il vrai qu’en dépit de son passé humble et inaperçu, Jésus était rapidement devenu un prophète et un enseignant exceptionnel en Israël (un vrai succès dirait-on).
Je me demande quelle serait néanmoins notre réaction si quelque chose de similaire se passait avec nous, personnellement ?
Nous pourrions, par exemple, imaginer un homme dans sa trentaine, n’ayant ni master, ni doctorat en religion, apparaissant soudainement en public, se forgeant rapidement une réputation de guérisseur, de prophète. Les gens vont jusqu’à le proclamer roi d’Israël et messie, totalement dominant par son autorité personnelle, son expérience évidente. Reconnaissons humblement combien il serait difficile que cette personne soit validée par les théologiens ou par le pape. Presque une impossibilité.
Pensez à la plupart des autorités qui voient un tel phénomène émerger, aux avis divergents, tellement partagés à son sujet. Surtout quand ce nouveau phénomène en question n’a pas les qualifications requises. Puis imaginez la peur des érudits, des hommes et des femmes qui ont un certain statut social, qui accepteraient sa légitimité spirituelle, qui s’approcheraient de ce nouveau maître, humblement, pour accueillir/recevoir son enseignement/sa lumière. Scénario fort improbable.
Oui, je le sais. Mais tel était Nicodème. Il vint vers Jésus la nuit, pour converser. Nicodème, grand maître d’Israël, cherche à écouter Jésus, à comprendre. Il le reconnaît comme rabbin, comme quelqu’un qui vient de la part de Dieu, un maître qui enseigne. Il reconnaît que personne ne pourrait accomplir les signes que Jésus accomplissait, si Dieu n’était pas avec lui.
En fin de compte, ce que Nicodème désire vraiment, au fond de lui, c’est de voir le royaume : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu ». Jésus perce son âme. Il y décèle son vrai désir, la raison pour laquelle il vient le rencontrer. Nicodème est un rêveur qui rêve du royaume et qui veut le voir. C’est un homme assoiffé de justice et assoiffé de Dieu. Comme la samaritaine au bord du puits, il cherche à se désaltérer. Il vient à la source. Il avait devant lui le fils de dieu fait homme. Le messie promis. Bien plus, dans ce cadre ordinaire et simple, le créateur de l’univers était assis, ou debout, devant lui. Comme à la Genèse de l’univers, Jésus-Créateur essaie de lui expliquer qu’à lui seul le désir n’est pas suffisant. Il faut accueillir le témoignage. Il faut se laisser créer par Dieu dans l’eau et l’esprit, allusion au baptême qui fait de nous de nouvelles créations, filles et fils du royaume. Jésus parle au pluriel, comme s’il se référait non seulement à lui-même, mais également à ses compagnons de mission : Amen, amen, je te le dis : nous parlons de ce que nous savons, nous témoignons de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage.
Chers frères et sœurs, en tant que chef du corps de ses disciples qui est l’église, Jésus demeure dans son église. L’enseignement de Jésus devient celui de ses disciples qui enseignent en son nom. Et, à travers le ministère dans l’enseignement, Jésus Lui-même se trouve avec son église. L’église, c’est la communauté des filles et fils du Royaume, de ceux qui voient vraiment Dieu agir dans le monde, de ceux qui goûtent déjà au Royaume.
Aujourd’hui, avec vous, je prie pour que se reflète sur nos visages la lumière de celles et ceux qui sont nés de l’eau et de l’esprit, des baptisés qui ont vraiment vu le royaume et qui agissent en fonction de leur vocation de disciples pour la plus grande gloire de Dieu.