Homélie Le Bon Samaritain
P. Joseph G. EID
Évangile du jour
Luc 10, 25-37
« …Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »
Chers frères et sœurs, je ne vais pas reprendre l’interprétation classique, extrêmement pertinente, des pères de l’église de cette belle parabole de l’évangile de Luc qui met en relief Jésus comme le Bon Samaritain, venu relever et ramener l’humanité blessée et déchue vers l’église (l’auberge) pour nous guérir, surtout à travers les sacrements que sont l’huile et le vin, l’huile de notre baptême et le vin de l’eucharistie.
Certes, c’est le Bon Samaritain qui vient en premier à la rescousse pour nous sauver, mais je préfère aujourd’hui développer ma réflexion à partir de la question initiale du docteur de la loi : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? ». Quelle est ma part de responsabilité aujourd’hui ? Ai-je un rôle à jouer dans l’histoire du salut, la mienne et celle des autres ? Nous connaissons tous la réponse de Jésus qui interroge ce docteur de la loi, en le ramenant à la Loi : « Dans la Loi, qu’y a t-il d’écrit ? Et comment lis-tu ? » et ce dernier va répondre en citant une partie du Shema Israël : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… et ton prochain comme toi-même ».
Déjà, faisons un petit examen de conscience en ce temps prolongé de la pentecôte qui nous invite à ouvrir nos cœurs à l’action de l’Esprit dans nos vies. Dieu est-il la priorité dans notre vie ? L’aimons-nous de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre force et de toute notre intelligence ? Cette expression, qui nous parait si familière, mériterait une réflexion de notre part. Déjà, elle souligne les aspects divers qui devraient décorer et garnir notre relation avec Dieu. Et ce qui peut nous paraître étonnant, c’est le fait que Jésus rappelle à ce jeune homme qui veut être éclairé et orienté le commandement de l’amour. Ce qui pourrait interpeller certains, une bonne majorité d’entre nous, car l’amour peut-il être commandé ? Dans une perspective biblique, oui. L’amour, chers amis, est un commandement ; d’ailleurs, il est le premier des commandements donnés par Dieu. C’est ce premier commandement qui était censé être l’assise sur laquelle sera formé le peuple de Dieu qui croit en son Dieu Unique. Et cet amour ne se résume pas à l’affectivité. Cet amour devrait être traduit par ma fidélité à la Loi (pour un juif). De nos jours, en tant que chrétien, cet amour se traduit par ma fidélité à ma mission ecclésiale, par ma fidélité à l’enseignement de l’église, par le fait que j’assume mes responsabilités vis à vis de mon épouse/époux, vis à vis de mes enfants/parents, par mon engagement social, par mon honnêteté professionnelle, etc. Et cet amour engage tout mon cœur, toute mon âme, toute ma force et toute mon intelligence. Autrement dit, certes il y a un côté affectif à l’amour, mais il y a également un aspect spirituel. L’amour de Dieu engage aussi notre force. Par force, j’entends que cet amour doit être responsable, éviter la oisiveté. Notre amour devrait donc tendre à l’action et non à la passivité.
Autre point, l’amour se voudrait intelligent. Nous sommes invités à approfondir notre foi. Nous ne deviendrons pas tous des docteurs en théologie, mais nous sommes tous sollicités à approfondir notre foi. Le spirituel et l’intellectuel vont de pair. Nous ne pouvons pas dissocier l’un de l’autre, de même que nous ne pouvons pas dissocier en Jésus sa nature divine de sa nature humaine. Notre spiritualité, me semblerait-il, devrait éviter deux écueils. Le premier serait de tomber dans une spiritualité déconnectée de la réalité de tous les jours ; et le deuxième, dans le sens inverse, de tomber dans trop d’activisme, négligeant sa vie intérieure.
Ce qui nous mène au second volet de la question du docteur de la loi : Qui est mon prochain ? Nous sommes appelés à aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, Dieu que nous ne voyons pas à l’œil nu d’une manière concrète, mais qui se traduit par l’amour du prochain.
Chers frères et sœurs, l’interprétation des pères de l’église nous rappelle que chaque personne est concernée par notre amour. Nous sommes tous blessés et nous avons plus besoin de bons samaritains dans notre vie ; ce bon samaritain qui pourrait être un inconnu, un exclu qui pourtant pourrait nous aider à retrouver notre dignité. N’oublions surtout pas que Dieu nous a aimé en premier, que Jésus est le Samaritain par excellence, qu’Il est le rejeton, qu’Il a été méprisé des siens etc. Mais qu’Il nous a, par amour, rejoint sur nos chemins escarpés pour nous venir en aide.
A Notre Seigneur la gloire pour les siècles des siècles. Père Joseph EID