Méditation du dernier Vendredi du Chemin de Croix
La séduction de la croix
P. Joseph G. EID
Chers frères et sœurs, cette belle dévotion du chemin de croix que nous avons entamé dès la première semaine du carême a un attrait particulier pour les catholiques et pour les orthodoxes. Paradoxe frappant que l’image d’un homme torturé devienne signe de beauté et de consolation. Les Mormons par exemple, les Musulmans ou les Témoins de Jéhovah trouvent cette image offensante, et pourtant, nous qui professons la foi en Christ crucifié, mort et ressuscité, nous trouvons cette image attirante, séduisante, tout à fait consolante.
Un homme torturé à mort : meurtri, horriblement maltraité. C’est-ce que nous accrochons fièrement sur les murs des maisons, dans les salles de classe (en tout cas au Liban), autour du cou ; et nous vénérons le crucifix/la croix dans nos églises ; et nous apprenons à nos enfants d’embrasser la croix avec révérence, de faire le signe de la croix à des moments précis ou avant chaque défi, etc. Cela en soi est un miracle. Prenez le temps d’y réfléchir. N’est-ce pas là un des nombreux moyens par lesquels la prophétie de Notre-Seigneur s’accomplit sous nos yeux chaque jour : Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes.
Quelqu’un peut-il m’expliquer ce phénomène ? Il est relativement facile d’apprécier l’attrait que nous avons pour l’image de la Vierge à l’Enfant, ou de celle de Jésus avec les enfants, ou de celle de Jésus ressuscité en gloire nous invitant à venir à lui ; mais qui peut être attiré par un homme étendu dans l’agonie, couvert de sang et de sueur, haletant, à peine capable de parler ? Et pourtant nous le sommes. Comment l’expliquer ?
Dans son Éthique de Nicomaque, Aristote dit : « …toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu’il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien est ce à quoi toutes choses tendent ». Nous tendons vers le bien. La bonté est attrayante, et le Seigneur crucifié est la révélation suprême de la bonté de Dieu.
C’est parce qu’à un niveau encore plus profond, ce qui est bon l’est précisément parce qu’il se déverse sur ceux qui l’approchent. Comme l’ont enseigné les platoniciens, avant et avec Aristote : « C’est la nature du bien de se répandre ». Le bien est attrayant parce que le bien est un don, un bienfait gratuit, qui se répand et ne demande rien en retour. Ainsi, le crucifix est l’image de la bonté, ou le don de Dieu se répandant sur tous les hommes et toutes les choses. Cela nous attire parce que la croix est la révélation suprême de tout le bien que Dieu nous réserve.
Et ce don est si parfait parce qu’il est la réponse ultime au mal, et à nos péchés. En réponse à nos manquements, face à nos échecs dans le domaine de l’amour, là où nous agissons contre l’amour, et que notre humanité est tellement défigurée et bafouée, Jésus se donne dans le fait même de souffrir sa « passion », à cause du mal que nous avons répandu sur lui : tous nos péchés, graves et légers, toutes nos faiblesses, toutes nos trahisons et ingratitudes, toutes nos tromperies et nos duretés à l’égard des autres, etc. Le crucifix ne nous parle pas de notre bonté, mais de nos défauts tragiques, il est la réponse extraordinaire de notre Dieu de bonté. Et ce qui est extrêmement extraordinaire, c’est que la croix nous révèle également notre potentiel. On est capable de tellement d’amour. De la croix résonne ainsi notre appel, notre vocation à aller boire à la source de la bonté et de l’amour même qui jaillit du cœur transpercé de Jésus. En même temps, ce même crucifix exprime sa soif d’amour.
Dieu aspire à notre amour, il attend le jour de notre repentance, il utilise toutes les preuves de son amour ; se soumettant même à notre indifférence et à notre ingratitude, tant qu’il y a un espoir de l’aimer.
Ses bras sont tendus en attendant notre retour ! Alors que nous nous préparons à célébrer les grands mystères de notre salut, la passion et la pâques de notre Seigneur, fixons nos cœurs et nos regards affectueux sur le crucifix et laissons la bonté du Sauveur se répandre sur nous. Chers amis, ce Dieu crucifié qui nous propose le salut, veut également que nous le sauvions. Le Fils de Dieu souffrant héroïquement sur sa croix est quelqu’un qui désire sincèrement que nous le sauvions des liens de la solitude, de la négligence, du rejet, de l’abus et du chagrin. « Mon âme est triste jusqu’à la mort ; restez ici, et veillez avec moi. » Je vous prie de vous encourager mutuellement à rester avec le Seigneur, à veiller avec lui. Ne le négligeons pas. Il frappe à nos portes. Les apôtres n’étaient pas à la hauteur de la tâche la veille de sa crucifixion, mais ils le furent plus tard quand ils furent remplis du Saint-Esprit, de l’amour divin. Ils devinrent alors les prédicateurs du Christ crucifié, jusqu’aux extrémités de la terre.
Soyons, chers amis, les messagers de l’amour de Dieu.
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